Zoom sur notre alimentation, notre fuel à nous ! En tension dans un contexte de sécheresse, de guerre ukrainienne, et de crise énergétique, qu’en est-il de notre capacité à nous alimenter, et à bien nous alimenter?
Décryptage avec notre partenaire l’association Bio Consom’acteurs, qui promeut une alimentation bio, locale, de saison et équitable.
Bonjour Julie, tu es coordinatrice de l’association Bio Consom’acteurs, peux-tu déjà en dire quelques mots ?
Bonjour !
L’association Bio consom’acteurs existe depuis 2004 et nous sommes basés à Montreuil dans le 93.
Nos actions visent à informer, sensibiliser et mobiliser les consommateurs et les consommatrices sur l’importance de leurs choix de consommation.
En sensibilisant à une alimentation bio, locale, de saison et équitable, Bio Consom’acteurs a pour mission la préservation de l’environnement, la protection de la santé et la promotion de modes de consommation alternatifs, éthiques, durables et solidaires.
Bio Consom’acteurs agit pour une bio accessible à tous, en développant des outils et actions pédagogiques, en intervenant par exemple dans des classes, sur des stands ou lors d’événements.
Quel état des lieux fais-tu des impacts des éléments contextuels (sécheresse, guerre en Ukraine, envolée des prix de l’énergie) sur notre alimentation ?
Depuis le début d’année, le déficit de pluie atteint des records et la sécheresse s’est encore empirée cet été, participant à aggraver les incendies, avec des conséquences sur les récoltes que nous avons commencé à percevoir en passant à la caisse.
Mais finalement, les crises actuelles (guerre en Ukraine et crise de l’énergie) sont des révélateurs des grandes dépendances du modèle agro-industriel productiviste dominant :
- dépendance envers les engrais chimiques de synthèse, car le gaz russe est le premier ingrédient des fertilisants de synthèse;
- dépendance liée au libre-échange et aux marchés d’exportation ou d’importation (d’où les “pénuries” de tournesol, de graines de moutarde, etc…);
- dépendance envers les aides publiques (notamment les aides de la PAC);
- mais surtout une dépendance envers les marchés financiers et les banques ! Car la raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires est surtout à chercher du côté de la spéculation financière.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les fonds de placements, les banques et les traders sont en train de spéculer sur l’alimentation, pour faire toujours plus de profits, tout en aggravant la faim dans le monde !
Selon Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté « la véritable cause de la hausse de prix ne vient pas du fait qu’il n’y a pas assez de denrées alimentaires disponibles. […] Les bulles spéculatives, c’est l’explication essentielle de l’augmentation des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux ».
Il s’agit maintenant de s’adapter et de regarder où sont les solutions locales pour une véritable autonomie et souveraineté alimentaire, qui participent à préserver le vivant. Et ce n’est certainement pas en remettant en culture les hectares de terre en jachère !
Quid de la bio ? Comment se porte-t-elle ?
Après des années d’une croissance de la consommation bio à deux chiffres, les ventes ralentissent dans la grande distribution, comme dans les magasins spécialisés 100% bio. Selon les chiffres de juin 2022 publiés par l’Agence Bio, les Français ont déboursé 12,6 milliards d’euros en 2021 pour s’acheter des aliments de ce type dans les magasins, soit -1,34 % sur un an. Il faudrait regarder ce qu’il en est aujourd’hui, aussi au regard de l’effet des labels trompeurs qui fleurissent et contribuent à semer la confusion chez les consommateurs et consommatrices, qui semblent alors perdre confiance dans les labels bio. Pourtant, ce sont bien toujours ces labels bio officiels qui nous garantissent le respect d’un cahier des charges exigeant et contrôlé (dont l’absence de pesticides et d’engrais de synthèse et d’OGM…)! Seulement, l’agro-industrie et la grande distribution ont participé à créer la confusion et une défiance envers les produits bio, en développant une “bio industrielle” qui vient de loin, ou qui nutritionnellement va être mal notée par le Nutri-Score.
Beaucoup de labels ont éclos ces dernières années, peux-tu nous guider dans cette jungle ?
C’est surtout la nouvelle “Boussole des labels” qui va vous guider ! Ce guide a été mis à jour avec nos partenaires FAIRe un monde équitable et ActionAid pour permettre aux consommatrices et consommateurs de se repérer dans la multitude de labels publics, privés, marques et mentions de valorisation que nous voyons fleurir dans les rayons. Deux tableaux comparatifs sont disponibles : d’un côté pour les labels bio, et de l’autre pour les labels de commerce équitable, sachant qu’en réalité 88% des produits issus du commerce équitable sont également bio.
Depuis quelques années, on a notamment vu monter la certification HVE (pour “Haute valeur environnementale”) que nous considérons comme l’un des principaux labels trompeurs évoqués plus haut, notamment dans le vin. Nous avions d’ailleurs réalisé en juillet 2021, au moment de la polémique autour des arbitrages de la PAC, un décryptage sous forme d’infographie pour expliquer les différences entre HVE et bio, car il faut savoir que contrairement à l’agriculture biologique, il n’y a pas de période de « conversion » ni de contrôle annuel pour la certification HVE, qui concerne à 80% des viticulteurs.
Mieux vaut manger bio ou local ?
C’est la grande question qui anime les repas de famille et les étals de marché, et elle résonne d’autant plus avec la tendance du “fait en France” et l’évolution de la consommation en circuits courts. C’est aussi l’une des questions phare de notre livret “La bio en questions”.
Pourquoi opposer bio et local ? Au quotidien, nous essayons d’expliquer en quoi choisir l’un sans l’autre mène à un contresens. Consommer local sans consommer bio amène à accepter la présence et l’utilisation de pesticides. De nombreux consommateurs et consommatrices affirment préférer le local au bio, car ce choix leur apparaît comme étant le meilleur pour soutenir le « made in France ».
Contrairement à une autre idée reçue, consommer local au profit du bio ne peut se faire dans l’optique de préserver le climat. Selon le réseau action Climat et les données nationales : « 84% des impacts écologiques de notre alimentation résultent de la manière dont les denrées alimentaires sont produites ». Ce chiffre atteint même 90% pour les produits d’origine animale et tombe à 67% pour les produits d’origine végétale.
Le transport des produits alimentaires ne représente donc en fait qu’une part marginale de l’impact total de notre alimentation, soit seulement 13% des émissions de gaz à effet de serre de l’alimentation des Français, alors que 67% de ces émissions résultent de la phase de production agricole.
Manger local, sans manger bio, c’est donc accepter l’utilisation de produits de synthèse nuisibles à la biodiversité. Ni l’« agriculture raisonnée » ni la certification HVE ne permettent d’avoir l’assurance d’une réduction significative de ces pratiques, car ce sont des modes de production non contraignants ni contrôlés.
C’est plutôt vers ces pratiques que devrait se porter la défiance des consommateurs.
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