Quel est le rapport entre votre carte bancaire et la crise climatique ? Avec l’argument selon lequel les banques nous mènent droit vers un réchauffement climatique de +4° d’ici la fin du siècle, certaines “éco-banques” proposent des cartes bancaires en bois qui permettraient de financer la transition. La finance serait alors un levier de lutte contre la crise climatique, au service de l’environnement… tout ça, grâce à une carte bancaire ? À la Nef, on s’est penché sur le sujet pour comprendre si la carte bancaire en bois est une alternative sérieuse pour une finance responsable ou, finalement, de la langue de bois.
Ces “banques vertes” qui proposent des cartes bancaires en bois
Des cartes durables idéales ?
Ce sont des cartes bancaires en bois naturel provenant de forêts européennes gérées de façon durable. Elles sont en grande partie biodégradables et offrent les mêmes garanties qu’une carte bancaire classique. Sans parler de leur côté esthétique unique ! Avec tous ces arguments, vous n’êtes pas encore sous le charme* ?
Vous avez raison : bois, amidon de maïs, PVC recyclé… si les cartes “éco-responsables” sont à la mode, le choix de la matière suffira-t-il à lutter contre l’impact environnemental désastreux de la finance ? Quid du recyclage des CB, déjà mis en place par certains acteurs, ou encore l’allongement de la durée de validité des cartes (qui lutterait contre l’obsolescence programmée de cet objet) ou tout simplement le passage aux cartes virtuelles et paiements mobiles ?
Le sujet des cartes bancaires interroge, c’est certain. Mais cette question est peut-être l’arbre qui cache la forêt. En effet, il ne faut pas oublier ceci : qui dit carte durable ne dit pas forcément compte écolo.
Impact de la carte bancaire ou impact de la banque : qu’est-ce qui compte ?
En effet, l’impact d’une banque sur l’environnement se joue d’abord et avant tout sur ses financements. Les quelques tonnes de plastique économisées sur la production de cartes bancaires (qu’elles soient en bois ou en PVC recyclés) ne compenseront jamais les financements d’entreprises et d’activités climaticides de la banque. Et cela a même valu à certains acteurs des accusations de greenwashing ! Réfléchir à des alternatives plus durables pour les cartes bancaires est louable, mais attention à ne pas oublier l’essentiel !
Les comptes courants rattachés à ces cartes durables promettent d’agir en faveur de la transition écologique. Concrètement, l’argent de ces comptes courants est censé permettre aux acteurs qui les proposent d’investir uniquement dans des projets écologiques. Certains proposent aussi de reverser une partie des frais d’interchange (la commission qu’un magasin paie à la banque du client pour chaque paiement CB) à des projets engagés, sous forme de dons.
Ces arguments, associés aux attraits de la carte en bois, pourraient faire de ces produits des incontournables de la finance éthique. Et pourtant, ce n’est toujours pas suffisant. Pour comprendre pourquoi, il faut aller aux racines de ces produits : les “éco-banques” qui les proposent et leur fonctionnement.
Les “éco-banques” ou “néo-banques vertes” : réels acteurs de la transition environnementale ?
Les établissements qui proposent une carte bancaire en bois (et le compte courant qui va avec) sont des “néobanques vertes”, qui sont en réalité des agents prestataires de service de paiement. Concrètement, cela signifie que ces acteurs ne peuvent pas utiliser directement l’argent confié (quel que soit le compte utilisé : épargne ou courant). Ils ouvrent alors un compte de cantonnement dans un établissement de crédit, en l’occurrence une banque traditionnelle, qui décide de l’orientation réelle de l’argent. Ainsi, quelle que soit la promesse des “néobanques vertes”, ce ne sont pas elles qui décident des projets financés ; ce sont des intermédiaires. (L’ACPR a d’ailleurs interdit l’usage du terme “néobanque” qui prête à confusion.)
→ En savoir plus sur les néobanques
Tant qu’elles seront uniquement proposées par des intermédiaires sans réel pouvoir sur l’orientation de l’argent, les cartes bancaires en bois ne changeront pas beaucoup plus le monde que les cartes en plastique – si on met de côté leur éco-conception. Dans ce cas, quel compte choisir pour avoir un réel impact sur l’environnement ?
Ce qui compte vraiment : un compte épargne dans une banque durable
Des vraies alternatives existent pour une finance responsable. Ce ne sont pas (encore) des solutions miracles mais elles permettent d’ouvrir des comptes épargne écolos dans un établissement bancaire réellement engagé.
Compte courant ou compte épargne : quel impact sur l’environnement ?
L’argent épargné est plus stable que l’argent liquide sur les comptes courants, sans oublier que les français ont 7 fois plus d’argent sur leur compte épargne que sur leur compte courant (source : L’épargne des ménages T1 2022 – Banque de France). C’est donc principalement sur l’argent placé sur des comptes épargne que les banques se basent pour accorder des crédits, selon leurs valeurs et leurs engagements. Changer de banque pour son compte épargne a donc plus d’impact sur l’environnement que l’ouverture d’un compte courant.
À noter : il est possible d’avoir plusieurs banques ; en attendant le lancement d’un compte courant à la Nef, vous pouvez ouvrir un compte épargne chez nous et conserver votre compte courant actuel.
La Nef : notre projet de banque verte
Depuis sa création sous forme coopérative en 1988, la Nef finance exclusivement des projets inscrits à forte plus-value écologique, sociale et culturelle. En 2022, une majorité des projets financés étaient d’ailleurs engagés pour l’environnement (54%). Pour prouver que l’argent épargné sert uniquement à financer des projets à impact, la Nef publie chaque année la liste intégrale des crédits accordés (à retrouver ici).
Aujourd’hui, la Nef est un établissement de crédit spécialisé, qui dispose des agréments bancaires pour collecter de l’épargne et du capital et réaliser des activités de prêts auprès de sa clientèle. Notre objectif est de devenir une banque verte et solidaire pour accompagner les porteurs de projet engagés et permettre à nos clients de mettre tous leurs comptes chez une seule et même banque. Alors peut-être qu’un jour, nous aussi on proposera des comptes courants avec des cartes bancaires en bois. À la différence près que chez nous, la promesse vendue avec le produit sera tenue : financer réellement et de manière transparente les projets de la transition.
Le problème principal aujourd’hui n’est pas de savoir en quelle matière est faite votre carte bancaire (bois, plastique…) mais surtout de savoir à quoi sert votre argent. En fait, on attend (et on espère) le jour où des cartes bancaires en bois, des cartes éco-conçues, des cartes durables, permettront une finance vraiment éthique et 100% transparente. D’ici-là, vous n’avez pas besoin de carte bancaire pour changer le monde : l’important, c’est votre épargne.
→ Découvrir l’épargne à la Nef
*Même si techniquement, les cartes en question sont plutôt du bois de cerisier.