Depuis sa création, la Nef finance et accompagne le développement de la filière bio, à différents niveaux : production, transformation, distribution, artisanat, etc. Aujourd’hui, après la crise sanitaire et face à l’inflation, de nombreuses entreprises et structures de la bio vivent une période difficile.
Nous avons posé quelques questions à Aline et Arthur, conseillers grands comptes à la Nef, sur les problématiques rencontrées par les acteurs de la bio et les actions de la Nef pour accompagner ses emprunteurs.
Bonjour Aline, Bonjour Arthur,
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres clés sur la part que représente la filière bio dans les financements de la Nef ?
La filière bio représente chaque année une part importante des projets financés par la Nef. En 2022, la filière bio était le 1er secteur financé par la Nef en nombre de prêts (248 prêts soit 43,4% des projets) et le 3ème secteur en termes de montants (36,9M€ soit 15,4% de nos encours de prêts). Ces chiffres restent proches des chiffres des 3 années précédentes, ce qui témoigne de l’engagement de la Nef envers les projets de la filière. Parmi ces projets, nous agissons aussi bien sur l’agriculture, la transformation ou encore la distribution de produits.
→ Découvrez les projets financés par la Nef en 2022
Quelles sont les problématiques rencontrées actuellement par le secteur de la Bio ?
Après dix ans de croissance, le marché du bio a reflué à partir de 2021. Un choc pour la filière, alors que de 2010 à 2019, ce marché de 13 milliards d’euros avait enregistré une croissance à deux chiffres. Les acteurs de la filière ont massivement investi pour pouvoir répondre à l’augmentation de la demande. Mais dès 2020 avec l’apparition du COVID, le marché a commencé à évoluer.
D’abord avec les cosmétiques bio où la situation s’est dégradée dès 2020 (pendant les confinements, les gens ont changé de routine quoditienne !), pour l’alimentaire c’est à partir du milieu de l’année 2021 où les difficultés ont commencé à apparaître, notamment à partir du début du déconfinement.
Les consommateurs ont revu leurs priorités de consommation (loisirs, voyages, sorties au restaurant), ils ont moins cuisiné et leur panier de courses a été réduit. Par la suite, l’inflation a eu un impact monétaire, mais aussi psychologique sur le comportement des consommateurs, alors même que l’inflation a été moins importante en magasins spécialisés qu’en grandes et moyennes surfaces (GMS). On retrouve ainsi actuellement des fruits et légumes bio en magasins spécialisés au même prix voire parfois moins cher que des produits conventionnels en GMS.
Le dernier point qui explique la période compliquée actuelle est la multiplication des labels (du type Haute Valeur Environnementale) qui a apporté de la confusion chez les consommateurs. L’arrêt de la croissance et même la décroissance de la consommation est brutale pour de nombreux acteurs et a entraîné la fermeture de magasins spécialisés.
Comment les conseillers de la Nef accompagnent-ils les emprunteurs face à ces problématiques ?
A la Nef, nous restons persuadés que l’agriculture bio reste la solution d’avenir pour une alimentation saine, durable et équitable.
Nous avons décidé d’intervenir en priorité en soutien de nos partenaires et clients historiques de la bio en :
- continuant à accompagner leurs projets de développement dès que c’est possible ;
- mettant en place des mesures de soutien de la trésorerie quand cela s’avère nécessaire. Cela peut passer par la suspension temporaire de certains remboursements de prêts ou avec l’octroi de lignes de financements court terme adaptées selon les besoins.
Nous avons également décidé de communiquer plus largement à notre communauté Nef (sociétaires, épargnants, clients professionnels de tous secteurs) sur les challenges que doivent relever les entreprises de la bio actuellement, en mettant en avant des entreprises de la bio financées qu’ils peuvent soutenir via leur actes de consommation.
Enfin nous continuons à étudier de nouvelles demandes de financements d’entreprises de la bio non encore clientes, car tous les projets ne sont pas en difficulté (heureusement) et certains acteurs continuent à se développer et à être suffisamment en bonne santé pour pouvoir emprunter. Nous continuons donc à accompagner la création, comme le développement de ses activités sur l’ensemble de la filière, du champs à l’assiette.
Quelles sont les perspectives d’avenir de la filière bio ? Quelles solutions peuvent-être mises en place pour aider les acteurs du secteur ?
Ce n’est pas la première fois que la bio traverse un trou d’air. Elle s’est fortement démocratisée ces dernières années, s’est structurée et a su conquérir de nouveaux adeptes sensibilisés aux vertus d’une alimentation saine, écologique et équitable.
Cette crise n’est pas une remise en question de la bio en tant que telle, mais de la manière dont elle doit évoluer pour être plus visible, considérée et désirable. Au-delà d’adapter les offres au choc inflationniste et à la dégradation du pouvoir d’achat des consommateurs, il s’agit de les reconquérir face à une concurrence accrue d’alternatives existantes qui ne sont pas équivalentes.
Cela passe à la fois par un travail de collaboration entre l’ensemble des acteurs de la filière, mais aussi par un soutien qui devrait être accru. Conserver le soutien à l’amont de la filière, alors que le rythme de conversion des surfaces agricoles ralentit déjà, devient ainsi primordial.
Des paroles aux actes, les entreprises de la bio attendent ainsi davantage d’appui et une volonté politique forte des pouvoirs publics, comme en témoigne la pétition “Stop mépris bio”.
Merci à Aline et Arthur pour leurs éclairages.