Nous avons rencontré Marie Nguyen, cofondatrice de We Dress Fair, boutique de mode responsable à Lyon, à Paris et en ligne et emprunteur de la Nef. L’occasion de parler des missions de We Dress Fair et des actualités du secteur textile, notamment la loi bonus-malus contre la fast fashion, votée par l’assemblée nationale en mars 2024.
Bonjour Marie, peux-tu nous rappeler ce qu’est We Dress Fair et qui se cache derrière ?
Bonjour ! We Dress Fair c’est à la fois des boutiques et un site de vente en ligne de mode responsable. On essaye de sélectionner et mettre en avant les meilleures marques du marché.
Nous sommes aujourd’hui une équipe de 20 personnes réparties sur 2 boutiques (à Lyon et à Paris), des bureaux et un entrepôt de 1200 m2 au cœur de Lyon. Au niveau de l’équipe fondatrice on retrouve Antoine Coulaud, cofondateur avec moi et Kévin Chavanne qui est aujourd’hui notre directeur technique.
Pourquoi avoir créé We Dress Fair ? D’où vous est venu le projet ?
Il y a deux gros problèmes dans la mode. D’abord celui des scandales sociaux. Ça a commencé dans les années 90 lorsque nous nous sommes rendus compte que les ballons Nike étaient fabriqués par des enfants et depuis, nous en voyons de plus en plus, notamment avec les Ouïghours en Chine et l’exploitation des personnes au Bangladesh.
La deuxième grosse problématique, qu’on observe depuis une dizaine d’années, c’est que l’industrie textile fait partie des plus gros pollueurs de la planète : pas uniquement parce qu’on fabrique à l’étranger – le transport ne représente que 2% de l’impact écologique d’un vêtement – mais parce que l’industrie du textile produit énormément.
Nous avons créé We Dress Fair pour faire face à ces deux problématiques. On s’est rendus compte qu’il fallait faire différemment, mais lorsqu’on se pose la question “Où est-ce qu’on peut acheter des marques qui font les choses bien aujourd’hui ?”, c’est très difficile de les trouver. Notre travail est donc d’aller décrypter quelles sont les meilleures marques, de les rassembler sur un site et de permettre à chaque consommateur de trouver toutes les marques de mode responsables à un seul endroit.
Quelles sont les missions et les valeurs de We Dress Fair ?
Notre mission principale est de permettre à chaque personne qui a besoin ou envie de consommer la mode différemment de pouvoir trouver son alternative chez We Dress Fair.
À cela nous ajoutons la pédagogie : on veut faire de chaque consommateur un consommateur conscient, que ce soit chez We Dress Fair ou ailleurs. On souhaite donner les clés, aider à comprendre pourquoi une marque est responsable, nos critères d’évaluation et donner à chaque consommateur une sorte de boîte à outil lui permettant de savoir quelles sont les meilleures alternatives.
On dit souvent que We Dress Fair est une solution parmi tant d’autres et nous mettons régulièrement en avant d’autres solutions : la seconde main, le troc, la réparation etc.
Comment We Dress Fair agit concrètement contre la fast fashion ?
On est persuadés que le consommateur et les entreprises ont la possibilité de faire changer les choses, mais il y a un troisième volet qui est “le politique” et les lois et on a un rôle d’influence. On pousse des propositions de lois. On va faire de la mobilisation citoyenne, par exemple lors de l’ouverture d’un pop-up store (boutique éphémère) SHEIN à Lyon. Nous trouvions que la ville n’aurait pas dû accepter ce genre de proposition commerciale donc nous sommes allés protester, pas en tant que salariés de We Dress Fair mais en tant que citoyens engagés pour faire évoluer les choses dans le bon sens.
Tu as été directrice communication d’En Mode Climat, peux-tu nous en dire plus sur cette association ?
En Mode Climat est un groupe d’influence composé d’un peu plus de 700 entreprises du textile (ateliers de confection, industriels, distributeurs, marques, etc.) qui souhaitent que le secteur soit régulé. On propose des lois plus strictes afin de réduire les émissions carbone du textile, notamment la loi bons-malus contre la fast-fashion qui a récemment été votée à l’assemblée nationale.
Celle-ci a été poussée par Guillaume Declair et Julia Faure, initiateurs d’En Mode Climat. Elle propose un bonus-malus pour les entreprises qui produisent et donc polluent le plus. Elle vise donc autant l’ultra fast-fashion comme l’entreprise Shein que les grands distributeurs de low-cost comme les supermarchés.
→ Découvrez l’interview de Marie Nguyen en format vidéo :
Justement, que penses-tu des mesures mises en place par le gouvernement pour lutter contre la fast fashion ? Est-ce assez selon toi ?
La législation a beaucoup bougé ces derniers temps. Avant la loi bonus-malus, il y a eu la mise en place du bonus réparation qui fait partie des propositions d’En Mode Climat et qui vient encourager le consommateur à faire réparer ses vêtements. Aujourd’hui, lorsqu’on achète un vêtement, un organisme vient collecter des écotaxes qui sont ensuite reversées pour diminuer l’impact environnemental des vêtements vendus sur le territoire français. Ces écocontributions viennent désormais abonder un fond permettant à toute personne ayant besoin de réparer un vêtement de bénéficier d’une réduction sur le prix de la réparation.
Celà va dans le bon sens mais c’est comme si une baignoire trouée était en train de se remplir d’eau et qu’on venait mettre un scotch sur le trou. Si on continue à remplir la baignoire, le problème sera toujours là : il faut fermer le robinet !
La loi bonus-malus, commence à s’attaquer à ce robinet puisqu’elle vient pénaliser les entreprises qui produisent le plus. À partir d’un certain seuil de vêtements produit, les entreprises auront un malus pouvant aller jusqu’à 10€ par vêtement produit.
Malheureusement le seuil de production n’a pas encore été défini dans la loi. Il est encore débattu et sera décidé ultérieurement par décret. On entend parler d’un seuil à 5000 références produites par jour qui s’attaquerait à l’ultra fast-fashion, c’est-à-dire des entreprises chinoises comme SHEIN. De notre côté on aimerait que ce seuil soit abaissé à 500 références produites par jour qui s’attaquerait à tout le low-cost : Zara, Primark, H&M, etc. Ces entreprises sont Européennes et les pro-européens souhaitent les conserver en Europe. Il y a donc un gros lobbying derrière ce seuil.
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