Les cloches ne vont pas tarder à sonner, il est temps de vous réapprovisionner en chocolats et gourmandises. Se faire plaisir, c’est bien, mais tout en respectant ses convictions et son éthique… c’est mieux !
Entretien avec Christophe Eberhart, co-fondateur de l’entreprise coopérative et solidaire de chocolats et produits alimentaires Ethiquable, financée par la Nef.
Quelles sont les premières questions à se poser quand on cherche du chocolat éthique ?
La première chose à savoir est : d’où vient le chocolat ? Une question simple à laquelle il n’est pas si facile de répondre lorsque l’on est dans un rayon de chocolat ou chez un chocolatier. Si l’emballage mentionne le pays d’origine voire le terroir d’origine ou encore mieux le nom de la coopérative, c’est déjà un bon point en termes de traçabilité… et d’arômes.
Comme pour le vin, il y a un effet terroir très important dans le monde du chocolat. En fonction de la variété de cacao, des conditions pédoclimatiques, des pratiques agro-écologiques, du type de fermentation des fèves de cacao, le profil aromatique du chocolat sera très différent. On préféra sans aucun doute un chocolat bio – sans produits chimiques de synthèse, ni OGM – issu du commerce équitable. Il faut toujours le rappeler : le monde du chocolat repose sur de fortes iniquités avec une composante dévastatrice sur la question de la déforestation en Afrique de l’Ouest. Quelques données : plus de 90% de la production mondiale provient de petits producteurs – 40 millions de personnes dépendent de sa culture pour vivre et la majeure partie vit sous le seuil de pauvreté – 85% des forêts ivoiriennes (1er pays producteur de cacao) ont disparu entre 1990 et 2015. Le commerce équitable est une alternative puissante qui fait la différence avec des impacts sociaux, économiques et environnementaux que nous constatons au quotidien sur le terrain auprès des organisations de producteurs.
Ethiquable : un chocolat engagé, du champs au palais
La force et le savoir faire des coopératives de petits producteurs
Chez Ethiquable nous travaillons en direct avec les organisations de petits producteurs (entre 1 et 5 hectares). Les différences ? La force du collectif. La coopérative apporte des services à ses membres et leur permet de se développer plus vite, plus fort. Elle met en commun des outils (centre de fermentation des fèves de cacao, de séchage, collecte,…), réalise un accompagnement technique dans les parcelles (taille cacaoyer, fabrication de bio-fertilisant…) et des projets communautaires décidés par le collectif comme la prise en charge de l’accès au soins ou des systèmes de micro-crédit.
Les petits producteurs maintiennent également des variétés anciennes de cacaos sur leur parcelle, des variétés souvent menacées de disparition. Ils participent à la biodiversité cultivée et maintiennent des écosystèmes riches avec des cultures agro-forestières diversifiées. Par ailleurs, comme pour les cépages dans le vin, elles révèlent la typicité des terroirs, contrairement aux hybrides qui dominent et font un cacao pour le marché de masse sans spécificités.
Une grande part du savoir-faire repose sur les producteurs. Leur rôle ne s’arrête pas à la culture. Les opérations réalisées après la récolte (fermentation des fèves, séchage…) jouent sur le goût final de la tablette. Chaque coopérative a son savoir-faire (cadence de brassage de la fermentation). Nous avons d’ailleurs édité un carnet de dégustation présentant à la fois la manière dont est fabriqué le chocolat mais aussi, origine par origine, les aspects contribuant à son goût.
L’origine et la transparence des ingrédients.
Nos listes d’ingrédients sont assez courtes car nous voulons valoriser le savoir-faire des producteurs et révéler pleinement les notes de leur cacao. Chaque ingrédient est tracé, certifié équitable et bio.
Un chocolat bio, équitable ou les deux ?
Bio et commerce équitable sont indissociables pour nous. Pour donner pleinement les moyens aux petits producteurs de mettre en place des pratiques agro-écologiques, il faut les rémunérer correctement. Tailler ses cacaoyers, fabriquer son compost et ses propres bio-fertilisants demandent du temps de travail.
Par ailleurs le commerce équitable s’engage sur la durée avec des contrats pluriannuels (3 ans reconductibles) qui permettent aux producteurs de s’assurer de débouchés pour leurs productions. Entretenir sa cacaoyère est difficile à mettre en place si on ne sait pas si sa production trouvera preneur.
Il ne faut pas l’oublier : l’enjeu du commerce équitable reste la question du prix. Le problème de base dans le cacao, ce sont des prix trop bas. Nous achetons le cacao entre 4 000 à 4 400 $ la tonne bio et équitable. Le cours de bourse est actuellement de 2 500 $. Ces prix définis avec les organisations couvrent les coûts de production, génèrent une dynamique de développement et reconnaissent la qualité intrinsèque de leurs fèves de cacao. Il ne s’agit pas d’un effet de charité mais bien de reconnaître la valeur d’un produit. De toute évidence, le cours en bourse du cacao n’a pas grand chose à voir avec la réalité des producteurs.
Le label Symbole des Producteurs Paysans : agriculture paysanne et commerce équitable
Nous avons fait le choix du Symbole des Producteurs Paysans, un label de commerce équitable centré sur l’agriculture paysanne. De notre point de vue, la force du Symbole Producteurs Paysans est l’appartenance du cahier des charges aux producteurs eux-mêmes.
Même si le contrôle est délégué à des organismes externes, les prix minimum garantis par exemple sont définis par des commissions par filière à partir d’analyse de terrain. Ils sont davantage l’expression du point de vue des producteurs que les autres labels, à notre sens. Pour plus de garantie et de transparence, le Symbole des Producteurs Paysans impose aussi une traçabilité physique tout au long de la chaîne. Il n’y a en effet aucune raison que le commerce équitable fasse moins bien que l’agriculture bio et sa règle d’or de la traçabilité physique.
Dans votre coopérative, quels choix engagés démarquent Ethiquable ?
Notre Scop a ouvert depuis quelques mois sa chocolaterie à Fleurance dans le Gers (projet financé par la Nef en 2019). Nous revendiquons une chocolaterie à taille humaine qui est conçue avec les producteurs. Nous travaillons à partir de la masse de cacao et non des fèves. La masse de cacao est transformée par nos partenaires cacaoculteurs du Pérou dans leur propre atelier, ce qui est très rare dans le monde du chocolat. L’impact ? Encore plus de valeur ajoutée pour la coopérative qui ne vend plus juste une matière première mais une matière première transformée. Notre chocolaterie permet également de relocaliser la fabrication en France, de créer de l’emploi. C’est aussi un bâtiment écologique à faible empreinte carbone qui produit 25% de sa consommation d’énergie grâce à des panneaux photovoltaïques situés sur son toit. Le reste est alimenté en énergie verte, locale et citoyenne par Enercoop.
Enfin, quels sont vos meilleurs conseils pour choisir son chocolat
pour Pâques ?
Attention aux formes qui peuvent être alléchantes mais ne font pas forcément grand cas de la qualité du cacao. Et pourquoi ne pas réaliser vos propres chocolats de Pâques ? Notre chocolatier, Vincent, a préparé des tutoriels à partir de notre chocolat dessert pour réaliser des lapins, oursons et même des nids et des plumes en chocolat ! Rendez-vous ici pour les découvrir.
Encore merci à Christophe Eberhat pour son témoigne, pour en savoir plus sur les chocolats et autres gourmandises proposées par Ethiquable, rendez-vous sur leur site internet. Pour en savoir plus sur l’histoire d’Ethiquable en vidéo, rendez-vous ici.
→ Découvrez d’autres chocolatiers engagés et financés par la Nef : SOLALTER, L’Attelier, Chocolala, Café Michel ou encore Belledone bio !