Le débat est régulièrement ouvert sur ce que l’on peut/doit appeler une banque. Est-ce que la Nef est une banque ? Et de surcroît est-ce une banque éthique ?
En interne, nous partons du principe que la collecte et l’orientation de l’épargne vers des projets qui ont du sens, en toute transparence, est l’essence même de la banque éthique. Mais nous sommes également convaincus, car c’est ce que nous renvoient la plupart de nos clients, sociétaires, et autres citoyens et partenaires qui gravitent autour de la Nef, que tant que nous ne proposerons pas de compte courant pour les particuliers, nous ne serons pas complètement une banque.
Et c’est bien sur cette base que nous avons lancé notre campagne de l’automne dernier, en invitant tous ceux qui souhaitaient qu’une banque éthique émerge en France à nous rejoindre. Nous nous sommes donc rangés derrière l’avis général, qui est qu’il n’existe pas encore de vraie banque éthique en France. Mais qu’en est il en Europe, sommes-nous les seuls dans ce cas ?
PETIT TOUR D’HORIZON
Tout d’abord, qu’est-ce qui définit une banque éthique à l’échelle européenne ?
Il existe une fédération, la FEBEA (Fédération Européenne des Banques Ethiques et Alternatives), dont la Nef a participé à la création en 2001, qui donne une définition de ce qu’est une banque éthique :
Le rôle d’une banque éthique est d’œuvrer pour le bien commun et d’assurer le droit de recevoir des crédits grâce à une activité bancaire consistant à collecter des fonds et à les réaffecter sous forme de crédits destinés à des projets culturels, sociaux et environnementaux. Par leur activité, les banques éthiques promeuvent l’inclusion sociale, le développement durable, le développement de l’économie sociale et l’entrepreneuriat social. Les banques éthiques contribuent également à sensibiliser le public au rôle de la monnaie et à l’échec de l’économie, en s’appuyant sur des approches à court terme et le profit comme seul objectif. (Source www.febea.org)
On pourrait ajouter à cette définition la notion de transparence dans l’utilisation des fonds.
Cette fédération regroupe aujourd’hui 26 membres issus de 15 pays. Parmi ces membres, la moitié sont des “vraies banques”, et les autres des institutions financières, des coopératives d’épargne et de crédit, ou des fonds d’investissement.
Parmi ces banques éthiques, on retrouve bien sûr la Banca Etica (Italie), avec laquelle la Nef a porté un projet de Banque Éthique Européenne dans la seconde moitié des années 2000. Et dont la Nef s’est inspirée pour créer les postes actuels de banquiers itinérants (6 à la Nef aujourd’hui). On retrouve également la plus grosse de toutes, Triodos Bank, originaire des Pays-Bas et présente aujourd’hui dans 6 pays, dont récemment, la France. À noter également la plus ancienne, la GLS en Allemagne, dont se sont grandement inspirés les fondateurs de la Nef au moment de créer l’Association La NEF en 1978, puis la Société Financière 10 ans plus tard. On pourrait noter enfin une présence d’au moins une banque éthique dans chaque pays scandinave, mais aussi au Bénélux, en Allemagne, en Espagne, en Suisse, en Italie, bref tout autour de la France…
QUELLE EST LEUR OFFRE ? LES POINTS COMMUNS ET DE DIVERGENCE AVEC LA NEF ?
Si la Nef peut considérer faire partie des institutions les plus importantes en taille en Europe, il n’en demeure pas moins que certaines sont aujourd’hui bien plus grosses que la Nef. Selon qu’on parle en taille de bilan, ou en niveau de capital, ou en nombre de prêts distribués, les chiffres peuvent varier, mais on peut raisonnablement dire que Triodos Bank (créée en 1980) représente environ 20 fois la taille de la Nef, GLS Bank (fondée en 1974) 8 fois, et Banca Etica (1999) 2 à 3 fois.
Parmi les points communs évidents, repris dans la définition ci-dessus, il y a cette intention première de s’insérer dans un système bancaire ou financier pour en faire évoluer les pratiques, privilégier les circuits courts de finance solidaire, la transparence dans l’orientation des fonds collectés, avec trois grands secteurs privilégiés que sont l’écologie, le secteur social, et le secteur culturel.
Un autre point commun est que la plupart de ces institutions (mais pas toutes) sont des coopératives, comme la Nef.
S’agissant des différences, au-delà des spécificités propres à chaque pays, chaque culture, chaque dispositif réglementaire (bien qu’il existe aujourd’hui une réglementation Européenne), nous pouvons en citer deux qui nous semblent être autant d’axes d’amélioration et d’évolution pour la Nef :
Le premier réside dans l’offre proposée aux clients. Les banques éthiques qui sont parvenues à se développer et à changer d’échelle offrent une gamme de produits et services bancaires plus large que celle de la Nef. Au premier rang de cette offre, vous l’aurez compris, une offre complète de services de comptes courants aux particuliers et aux professionnels.
Le second concerne ce que l’on appelle en banque le taux de réemploi. Il s’agit simplement du pourcentage de la collecte (épargne) que la banque utilise sous forme de prêts, à la clientèle. La réglementation ne permet pas que l’on réinvestisse 100% de ce que l’on collecte. Néanmoins de nombreuses banques éthiques se trouvent aujourd’hui entre 65 et 75% de taux de réemploi. Et la Nef de son côté se situe sous les 50%. D’où les efforts importants depuis 2 ans qui ont permis de doubler l’encours de crédit annuel. Et d’où également le changement de braquet envisagé sur le marché des professionnels, évoqué au début de cette newsletter. L’objectif est bien de fournir plus de services à nos sociétaires et clients, afin de mieux travailler ensemble, et ainsi faire croître la part des crédits distribués.
Voici donc un rapide aperçu du panorama des banques éthiques, sujet très riche et inspirant pour la Nef, qui en tant que membre de FEBEA, échange régulièrement avec ses consoeurs pour y piocher des idées.
Ivan Chaleil, Directeur Commercial
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