Depuis 2010, de plus en plus de brasseurs bio se dirigent vers la Nef qui a développé une bonne connaissance de ce marché. À la Délégation des Professionnels de Lyon, Camille Acket, Irina Ambrozie et Victor Grange, Référents Brasseries, apportent leur expertise sur le financement de ces projets.
La consommation d’alcool des français baisse depuis des années, sauf… la consommation de bière !
Les chiffres d’une étude du cabinet Xerfi en témoignent : en 2017, les Français en buvaient 32 litres par an et par habitant, contre 30 litres quatre ans auparavant. Sans être comparable à la consommation de nos voisins allemands (106 litres par an par habitant) ou en deçà de la moyenne européenne (70 litres), la bière retrouve en France une seconde jeunesse après une désaffection des consommateurs à la fin du XXème siècle.
* La France comptait plus de 2 800 brasseries en 1910 !
Pour rappel, trois entreprises détiennent plus de la moitié du marché mondial de la bière et 70% du marché Français (Source Le Monde). On observe toutefois une percée des brasseries artisanales, sur le modèle souvent cité en exemple des États Unis qui ont connu cela il y a 10 ans, au point d’avoir atteint les 11% de brasseries artisanales en volume de bière vendue en 2018.
Pour Garlonn Kergourlay, consultante et associée d’Il Etait Une Fois Une Brasserie rencontrée le mois dernier par nos équipes, non seulement le “gâteau” augmente mais les brasseries artisanales doublent leur part de marché et l’effet plateau ne semble pas être atteint en témoigne le rythme de création de nouvelles brasseries.
Guillaume David, gérant de la Brasserie de Sulauze et sociétaire de la Nef la rejoint sur ce point. Seul un tiers de français consomment de la bière. Justement le travail des brasseries artisanales sur la diversité de l’offre et la qualité gustative du produit a redoré l’image de la bière auprès du grand public et peut aider à faire de nouveaux adeptes.
Infographie du Syndicat National des Brasseurs indépendants
Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, la Bretagne et les Hauts de France sont les régions qui ont connu le plus de créations de brasseries ces dernières années.
De par l’engouement des consommateurs, les brasseries développent régulièrement leurs capacités de production et sont amenée à augmenter leurs gammes et leurs volumes.
Depuis 2010 le portefeuille de brasseries bio à la Nef ne cesse de grandir avec plus d’une trentaine d’accompagnement et des brasseries modestes ont pris de l’ampleur. Souvent accompagnées par les banques locales qui n’ont qu’une vision réduite du marché et qui ne connaissent pas le milieu brassicole, les brasseurs trouvent à la Nef des personnes qui ont une connaissance plus large du marché, de la production et des enjeux, de par leur vision régionale du secteur.
À la Nef, il nous semble important pour un porteur de projet de bien travailler la distribution, la production et le coût de l’outil de production :
La GMS s’intéresse de plus en plus à ce marché et cherche à répondre à la demande croissante de ses clients pour des produits locaux et/ou bio mais outre la pression des grands groupes, elle ne peut se permettre de référencer trop de bières et doit faire des choix. Les bars sont souvent en contrat avec des distributeurs qui ne leur permettent pas de distribuer d’autres bières que celles qu’ils proposent. Toutefois, on a pu accompagner à la Nef des bars clairement orientés vers une bière de qualité comme Le Bieristan à Villeurbanne pour ne citer qu’eux.
(Photo à gauche : Bieristan, emprunteur Nef)
Reste la vente locale qui peut être un très bon moyen de commercialisation, encore faut-il avoir un emplacement de choix. Sans oublier que la distribution implique des déplacements qui ont un coût et prennent beaucoup de temps. Nous regardons donc avec attention ce point-là et avons pu par exemple en Rhône-Alpes accompagner Bières des Régions, premier réseau coopératif de distribution spécialisé dans la logistique et le transport des bières régionales.
Enfin, des nouveaux arrivent sur le marché : les brewbars, qui produisent sur place et distribuent leurs propres bières. Parmi eux, la Brasserie Communale à Marseille ou Le Ptit Labo à Grenoble financés par la Nef.
(Photo à gauche : Le Ptit Labo, emprunteur Nef)
Il est important pour les brasseurs d’adapter la capacité de leur production au marché visé et surtout d’avoir une vision à trois ans. Malheureusement, trop de brasseries se retrouvent avec une capacité réduite au bout de trois ans et doivent retravailler leur modèle de production, sans avoir les capacités d’investissement.
Le coût d’une brasserie pour la même capacité de production passe de 350K€ à 1M€ en fonction de si elle est réalisée en Chine, en Tchécoslovaquie ou en France. Bien entendu cela impacte fortement le prix de revient du litre de bière. C’est donc un paramètre à prendre en compte en amont.
Cette hausse de la demande a également un impact sur la filière française. Actuellement la majorité des approvisionnements en matière première en agriculture biologique sont toujours faits en Belgique, en Allemagne, en Hollande, ou aux Etats-Unis. La hausse de la demande, les ruptures de stock au niveau européen, ainsi que la volonté d’avoir des produits locaux entraîne en France un fort développement de la production de céréales brassicoles et de houblon (qui donne cette amertume spécifique à la bière, très recherchée par les français).
Il faut noter que la culture du houblon avait quasiment disparu en France (hors Alsace et le Nord, berceaux historiques de la production de houblon). Aujourd’hui des diplômes de houblonniers ont vu le jour et des producteurs s’installent, comme par exemple en Auvergne-Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il y a donc encore beaucoup de métiers à soutenir autour de la brasserie pour avoir des ingrédients locaux et de qualité.
Enfin, c’est la créativité des brasseurs qui est saluée. Grâce aux divers ingrédients et aux paramètres de production, de fermentation ou de garde, l’inventivité des variétés de bières semble infinie. Les bières sont si nombreuses que chacun peut trouver une boisson à son goût.
À consommer avec modération bien entendu ! 😉
Camille Acket, Irina Ambrozie et Victor Grange, référents brasseries à la délégation de Lyon